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RDC-la nomination de Mme. Malangu Kabedi-Mbuyi à la BCC: la tribu et le tribalisme ? (Tribune du Professeur Patience Kabamba)

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Dans une tribune rédigée par Patience Kabamba , ce professeur de l’Université Pédagogique Nationale(UPN), s’interroge la nomination de Madame Malangu Kabedi Mbuyi à la tête de la Banque Centrale du Congo sur ses origines Kasaïnnes ?

La semaine dernière la nomination de Madame Malangu Kabedi Mbuyi comme nouvelle directrice de la Banque Centrale du Congo, la BCC, a été accueillie avec beaucoup d’émois. Pour Sonia Rolley de la RFI, cette nomination serait “ l’une des conditions posées par le FMI pour la signature d’un nouveau programme de financement de la RDC.” L’ancien gouverneur Deogratias Mutombo ne faisait plus l’affaire du FMI. Madame Mbuyi est une experte du FMI. Elle est donc mieux placée pour remplir la tâche que la RDC lui demande.

Cependant, sa nomination a déclenché une levée de bouclier sur la toile. Des accusations de tribalisme, de kasaïnisation de la RDC ont fusé de partout. Ceux que nous appelons “intellectuels” n’étaient pas en reste. Il y a eu, d’une part, des accusations de “haineux” provenant généralement des Luba qui se défendent d’être tribalistes. Et d’autre part, il y a aussi eu des accusation de « lubaisation » de la politique Congolaise qui soutenaient que toutes les grandes positions dans l’appareil judiciaire, par exemple, seraient occupées par les originaires du Grand Kasaï. La nomination de Madame MBuyi a donc eu pour effet de faire croire aux détracteurs que les finances où se trouve déjà Nicholas Kazadi comme ministre des finances, s’enfermait aussi dans le piège tribal. Ces accusations proviennent parfois des intellectuels. Un collègue de l’UPN s’était même offusqué que des professeurs d’université puissent descendre aussi bas. Le moins que l’on puisse dire est que la nomination de Madame Mbuyi a suscité un débat quasi national sur la toile. Les intellectuels, en effet, n’étaient pas en reste.

Mais, qu’est-ce qu’un intellectuel ? D’après Karl Marx, Un intellectuel, ce n’est pas quelqu’un qui a une intelligence riche. Un intellectuel est une épave narcissique qui s’est recroquevillé sur le dernier moteur de l’auto reproduction de son aliénation mortifère, son moi- cogito.

Pour mieux plancher sur ce sujet, nous pouvons poser, a la manière de Karl Marx, la question suivante : qu’est-ce que ce débat passionné sur la désignation de la Directrice de la BCC nous apporte dans son mouvement réel ?

Qu’est-ce que la nomination de Madame Mbuyi, comme originaire du Kasaï, nous donne-t-elle à penser ?

Le MDW ne prend pas position sur le débat présent. Il va, comme à son habitude, se pencher sur la réalité de la tribu comme une structure endogène dont l’existence n’est plus à démontrer.

Nous sommes des êtres tribaux.
Est-ce que la tribu est un lieu potentiel de développement ou un piège qui conduit nécessairement au nettoyage ethnique et même au génocide ?

Sur le plan étymologique , le mot « tribu » est fondamentalement une expression coloniale avec une connotation négative. Il dérive du mot Latin « tribus » qui renvoie aux barbares à la périphérie de l’Empire. Le mot tribu a d’ailleurs servi à la dichotomisation du monde entre « civilisés » et « non-civilisés », les crus et les cuits (R. Cohen 1978).

Le tribalisme est donc une réalité où la tribu devient l’élément le plus déterminant dans les décisions personnelles ou collectives. L’existence de la tribu n’implique pas nécessairement la politique du tribalisme.
La tribu, selon Vail (1998) est une invention coloniale et une arme de l’impérialisme et du néocolonialisme pour diviser et mieux régner. Il confond donc la tribu et le tribalisme. Pour Vail, dès qu’il y a tribu, il y a tribalisme, pas uniquement en puissance, mais déjà en acte.
Il nous dit donc qu’il n’est pas possible d ‘avoir des tribus qui par nature séparent et de ne pas tomber dans la politique du tribalisme.

Cependant, les frontières tribales sont construites, négociées et situationnelles. Elles ne sont pas hermétiques mais plutôt ouvertes aux autres. Dans ces conditions une tribu est une richesse culturelle et nationale. Elle peut aussi être une richesse économique.

Les Nande ont utilisé le lien social comme élément de prospérité. Leur exemple nous invite à penser la tribu différemment. La tribu doit faire partie de la conceptualisation endogène de l’organisation sociale et étatique.

Etat-tribu ?
(ci-dessous, le résumé que j’avais fait sur la situation de Butembo en 2008)

La destruction de l’état a permis aux Nande d’opérer de manière indépendante sur le plan politique, économique et social. Il existe, chez les Nande, une certaine « cohésion sociale »,- surtout pendant des périodes de trouble. Cette cohésion sociale était maintenue par la coalition entre l’église catholique, les commerçants et les autorités civiles et coutumières. Le dynamisme de Butembo tire son origine de cette trilogie. Les écoles fonctionnent, les hôpitaux marchent grâce aux médicaments en provenance de l’Uganda, les activités commerciales sont florissantes, les routes sont entretenues. Je ne veux pas peindre un tableau rose ; il y a bien sûr des jalousies et des divisions. Mais, il y a là quelque chose qui marche et qui défie la théorie du développement selon laquelle il n’y aurait pas de développement sans état. Il semble y avoir un remplacement de l’état par l’alliance entre l’église, les commerçants et la classe politique locale. De facto, à Butembo, l’état défaillant a été substitué par l’alliance des réseaux ethniques avec des institutions plus « modernes » comme l’église. Cette structure quasi hybride constituée du local, du national et du global – car les commerçants Nande sont ouverts vers le monde asiatiques – (hors des métropoles coloniales), semble provenir organiquement des demandes internes de la population pour leur sécurité et leur prospérité. Contrairement à l’état moderne, elle n’est pas imposée d’en haut et elle est ouverte au monde. Combien de temps cette structure va-t-elle tenir ? Comment les disputes internes et les inégalités sont-elles résolues ? Ce sont là les questions que nous souhaitons aborder dans notre prochaine publication.

En conclusion, disons que la tribu n’est pas nécessairement le tribalisme. La tribu est une organisation identitaire et symbolique que nous devons prendre en compte pour imaginer une autre forme d’État adéquat à nos aspirations. Le tribalisme, quant a lui, doit être combattu avec force, d’où qu’il provienne. La méritocratie et la compétence sont les seuls critères de désignation a des postes de l’État. S’il s’avère que les plus méritants sont tous d’une même province (ce qui est rare), alors on peut recourir a la tribu comme élément rectificatif. Notre système juridique, par exemple, devrait tomber sous le coup de la rectification pour y insérer une diversité des provenances tribales.

Le texte de ce MDW a été inspiré par un article que j’ai publié en 2008. Vous pouvez lire l’article entier dans en suivant la référence ci-après :
Kabamba, P. « Alternative ethnique à l’État postcolonial? Cas des Nande à Butembo et Luba à Mbuji-Mayi , » Revue Canadienne des études africaines, vol. 42 (1), 2008.

 

Patience  Kabamba

 

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