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CEEC : Le cri de détresse inaudible du tréfonds des geôles d’Alexis Mikandji et Me Bavon Kikwani

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*Une justice sadique, sarcastique et cynique à Matete

La semaine dernière, ça s’est passé sous nos yeux. En montant dans son avion, Joe Biden, le Président américain, a trébuché. Trois fois de suite. Il était fatigué, ont justifié les médias de Washington.

Plus près de nous, il faut beaucoup craindre, non pas que le Président congolais, Félix Tshisekedi, puisse lui aussi tanguer en montant dans son appareil, mais qu’il ait à chuter, bien de haut en bas, avec en corollaire des dégâts collatéraux sans nombre. C’est qu’on le fatigue un peu trop.

Tellement les questions d’Etat l’assaillent. Ce fardeau aurait pu être plus léger, si un effort était consenti pour que, entre autres et il le dit souvent, la justice fasse son travail, avec un tant soit peu d’orthodoxie. Juste un brin. Cette justice qu’il a tant encensée et rebaptisée d’un sacro-saint nom : état de droit.

Non pas qu’elle n’existe pas. Mais qu’elle continue à manquer cruellement deci, delà, dans les arcanes judiciaires, à cause des justiciables qui officieraient en sourdine en lieu et place des jurés, bien au-dessus de la loi.

Tenez. Alexis Mikandji, Président du Centre national d’expertise des matières précieuses (CEEC), vient d’un enfermement à longue durée, sans cause. Ce rude calvaire éclaire d’un jour nouveau une justice ostensiblement à trente-six vitesses.
Sa tragédie à lui Alexis Mikandji est même très pénible à relater.

Le drame commence en douce en 2017 et c’était au soir de la présidence de Joseph Kabila. Au CEEC, le Directeur général adjoint, Pascal Nyembo, devient Directeur général. Par un coup de bâton magique, à tout le moins, un acte de nomination assez douteux, qui élève le Directeur général, Alexis Mikandji, à la présidence du Conseil d’administration. C’est bien sûr du baume au cœur.

S’ensuivent des tribulations bien connues des seuls initiés. Mais on est loin d’imaginer qu’un court métrage pathétique, fait des scènes tout à fait sarcastiques, est près de commencer.

En septembre 2017, Me Bavon Kikwani, sous-directeur de son état au CEEC, est chargé de percevoir un montant dû d’environ 427.000 dollars à la société Kibali Gold à la faveur d’une procuration décernée par Alexis Mikandji mais remis en mains propres par Pascal Nyembo. Il s’exécute et ramène à son boss Nyembo l’argent via les caisses de la BCDC. Tout se passe dans le respect des normes d’art.

Il faut attendre cette date sombre du 17 février 2021. Bavon Kikwani est déféré devant la justice, au Tribunal de paix de Matete. On lui explique qu’il est accusé du chef de détournement de cet argent perçu auprès de Kibali Gold… près de quatre ans déjà auparavant. Depuis autant de temps, ni agent, ni manager, ni le directeur général en personne, nul n’a rien constaté. D’évidence, lui, le Directeur général, a même oublié avoir remis une procuration pour le retrait des fonds aux mains de l’incriminé.

Et, au moins trois bonnes années entières ont défilé sans qu’il s’en souvienne : ça concernait plus de 427.000 dollars. Toc.

A la vérité, le magistrat, qui l’entend, ne voit pas l’énorme impasse… entre le moment du détournement présumé et l’énorme temps qui s’est écoulé. Plusieurs années entières. Une fois encore, sans que l’accusateur n’ait rien vu. Fréquemment, ils se croisaient pourtant dans les couloirs du CEEC et dans les diverses rencontres de travail. Sa panne de mémoire était persistante.

Il va l’enfermer et le garder ainsi au frais, en attendant la confrontation avec ledit accusateur.

Celui-ci finit par arriver dans les locaux du Tribunal à 13h00 un jour de la dernière semaine de février 2021. Il est entendu mais il ne veut pas — oui il ne veut rien entendre — être confronté à l’accusé. Sa pleine volonté sera faite. Qu’est-ce que la justice se plie allègrement devant la volonté de quelques justiciables privilégiés !..

Pascal Nyembo plane au-dessus de la justice

Le Directeur général se dandine dans les couloirs de la justice à Matete. Il découvre ce que c’est qu’être au-dessus de la loi. Il y est dans la plénitude. Pour quelle contrepartie ? Le récit ne le dit pas. Ou plutôt, pas encore.

Le magistrat ayant placé en détention Me Bavon Kikwani se met à jouer sa part de parodie. Il a oublié que tout passe. Y compris le temps imparti par le législateur pour l’exécution de n’importe quelle ordonnance. Cinq jours se sont écoulés, sans qu’il soit présenté devant un juge.

Ainsi le sera-t-il tout de même devant ce dernier, écoutez-bien, deux jours après, à l’initiative et sur insistance de ses avocats. Le juge est, à n’en point douter, de mèche avec le magistrat, puisqu’il confirmera l’ordonnance précédente. Le temps s’écoule encore. Et encore. Le document expire. Et retoc ! Il ne peut plus justifier sa détention. Hélas !

Nouveau coup des projecteurs maintenant sur le Président Alexis Mikandji. On apprend, au moment où nous mettons sous presse, que la maison du head office du CEEC a été perquisitionnée sans façon, sans pitié et en violation des normes de référence.
Le mandat est du Procureur général de Matete. L’exécution se fait dans le ressort de son collègue de la Gombe qui n’est pas informé. Tout se passe dans son dos. Puis, une commission rogatoire atterrit à la police. Elle y découvre que le prévenu cible a changé d’identité : il s’appelle seulement du prénom d’Ibrahim et non Alexis Mikandji.
A la surprise totale, les flics s’introduisent quand même chez ce dernier avec fracas, à la limite de l’effraction. Les bidasses ont un visage de flibustiers. Des truands impassibles. Les enfants sont apeurés lorsqu’ils arrivent au niveau des chambres à coucher sur avenue Kokolo dans le quartier Binza Pigeon. L’avocat de Mikandji et Kikwani s’en plaint dans une lettre au ton larmoyant qui décrit la scène de ce harcèlement instigué par Pascal Nyembo.

Le récit y est pittoresque : chaque geste est détaillé, appelé par son nom. L’avocat sollicite auprès du Président de la Cour de cassation la « communication » du dossier car, craint-il et il le dit, à l’étape, où il se trouve, le dossier risque de ne pas être traité en toute impartialité.

Me Bavon Kikwani, lui, est toujours là dans les geôles. Il affronte le cynisme d’une justice sadique, celle des hommes et non des préceptes. Si Félix Tshisekedi passe par là peut-être le trouvera-t-il blotti au fond d’une cellule indécente, sans savoir ce qu’il y fait.

Tshisekedi, qui a libéré d’innombrables prisonniers politiques, ayant le statut de « détenus privés » pour le plaisir d’un homme qui s’en délecte, peut-être passera-t-il un jour pour comprendre que le CEEC et Kibali Gold se lavent les mains à la Ponce Pilate dans cette affaire qui ruine la conscience professionnelle des justiciers mais également la conscience collective de toute une nation qui résolument refuse son élévation.

Le Mandat

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