Plusieurs dirigeants des Etats africains et européens sont réunis à Paris avec les grandes organisations économiques internationales pour réfléchir sur la possibilité de financer les économies africaines frappées de plein fouet des effets pervers de la maladie à coronavirus.
Soutenant l’idée avancée par le président français Emmanuel Macron, sur la mise en œuvre d’un « New Deal »(nouveau cadre de financement des économies africaines) pour sauver les économies africaines, le président en exercice de l’Union africaine Félix Tshisekedi a expliqué devant ce paire ce qu’il entend par New deal pour l’Afrique.
«Pour nous, Un New Deal pour l’Afrique signifie, un accès aux mêmes outils financiers de riposte et de relance que ceux dont bénéficient les économies les plus riches du monde», a-t-il expliqué.
Pour y parvenir, le chef de l’Etat congolais fixe quelques conditions pour une action urgente et coordonnée entre les gouvernements et les principaux acteurs de l’économie mondiale, et pour le bien du continent africain.
Il s’agit notamment de :
- la prolongation de l’initiative du service de suspension de la dette (ISSD) jusqu’à fin 2021, éventuellement jusqu’à fin 2022 ;
- la réallocation d’une proportion des Droits de Tirages Spéciaux (DTS) dont l’émission est imminente à des fins de garanties de l’accès aux marchés des changes et de soutien des banques nationales de développement et du secteur privé ;
- la mise en place d’une facilité de liquidité et de durabilité pour réduire les coûts d’emprunt ;
- l’augmentation des prêts des banques multilatérales de développement, en recourant à leurs bilans existants et en assouplissant les règles de gestion des risques ;
- l’accès des pays africains aux marchés financiers classiques grâce à des rehaussements de crédit pour des projets d’infrastructures intégrateurs ;
- le développement d’un véritable marché d’obligations vertes (Green Bonds) en faveur des pays africains qui préservent l’environnement et luttent contre le réchauffement climatique.
Ces discussions, il convient de le souligner, vont se poursuivre lors des prochaines réunions du G20 qui vont se tenir en octobre à l’ Italie.
Ci-dessous l’intégralité du discours du Président Félix Tshisekedi :
Allocution de Son Excellence Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République Démocratique du Congo, Président en exercice de l’Union africaine au Sommet sur le financement des économies africaines à Paris 18 mai 2021
Monsieur le Président de la République française,
En prenant l’initiative d’organiser ce sommet consacré au financement des économies de notre continent, vous réaffirmez l’attachement de la France à l’Afrique. Je voudrais, en ma qualité de Président en exercice de l’Union africaine, vous exprimer, au nom de mes pairs, tous mes remerciements.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement, Chers collègues,
En effet, en raison de leur vulnérabilité, les économies africaines ont subi de plein fouet les effets pervers de la maladie à coronavirus en termes de baisse drastique des ressources financières disponibles. La dynamique de croissance observée depuis quelques années en Afrique s’est ralentie brutalement.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement, Chers collègues,
Pour faire face aux effets dévastateurs de la pandémie de la covid-19, nos pays ont jusqu’à présent consacré entre 1 et 7 % de leur PIB à des plans de relance. Il s’agit là d’un effort considérable au vu du ralentissement de l’activité économique.
C’est pourquoi nous apprécions à leur juste valeur les interventions d’urgence des institutions financières internationales, plus particulièrement celles du Fonds Monétaire International et de la Banque mondiale. Nous apprécions aussi la suspension du service de la dette préconisée par le G20. Toutes ces initiatives ont certes permis d’éviter sinon de retarder des cas d’insolvabilité.
Cependant, elles ne sont pas suffisantes. Ces interventions ont d’ailleurs clairement révélé que les cadres de financement existants pour la plupart des économies à faible revenu ou à revenu intermédiaire ne sont plus appropriés pour porter les ambitions légitimes d’un continent qui aspire à plus de croissance résiliente, durable, et verte.
Pour écrire un nouveau chapitre de l’économie mondiale, nous devons dépasser les instruments traditionnels d’intervention. Les récentes crises économiques ont bien démontré que beaucoup de nos pays retombent très vite dans des situations d’insolvabilité.
Les pays riches ont, quant à eux, la possibilité de continuer à émettre de la dette à des conditions favorables alors même qu’ils ont des ratios dette/PIB très élevés. Ce qui n’est pas le cas pour nos pays.
L’éviction quasi automatique des marchés financiers dont nous sommes victimes freine l’élan de développement. C’est pourquoi je voudrais nous exhorter à faire preuve d’audace et surtout à agir de manière concertée pour éloigner le plus vite possible les risques évidents qui menacent aujourd’hui la viabilité financière de nos États.
Dans cette perspective, vous avez raison, Monsieur le Président Macron, de parler d’un New Deal.
Pour nous, Un New Deal pour l’Afrique signifie, un accès aux mêmes outils financiers de riposte et de relance que ceux dont bénéficient les économies les plus riches du monde. C’est pourquoi nous plaidons pour une action urgente et coordonnée entre nos gouvernements et les principaux acteurs de l’économie mondiale, publics et privés, sur les six points
ci-après :
1)La prolongation de l’initiative du service de suspension de la dette (ISSD) jusqu’à fin 2021, éventuellement jusqu’à fin 2022 ;
2) La réallocation d’une proportion des Droits de Tirages Spéciaux (DTS) dont l’émission est imminente à des fins de garanties de l’accès aux marchés des changes et de soutien des banques nationales de développement et du secteur privé ;
3) La mise en place d’une facilité de liquidité et de durabilité pour réduire les coûts d’emprunt ;
4) L’augmentation des prêts des banques multilatérales de développement, en recourant à leurs bilans existants et en assouplissant les règles de gestion des risques ;
5) L’accès des pays africains aux marchés financiers classiques grâce à des rehaussements de crédit pour des projets d’infrastructures intégrateurs ;
6)Le développement d’un véritable marché d’obligations vertes (Green Bonds) en faveur des pays africains qui préservent l’environnement et luttent contre le réchauffement climatique.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement,
Chers collègues,
S’agissant des prochaines réunions du G7 et du G20, les leaders du continent africain attendent d’elles des décisions rapides et audacieuses.
Dans ce sens, faisons en sorte que par nos engagements et nos actes, nous puissions rapidement rétablir la confiance des marchés et des entreprises dans les économies africaines, ainsi que celle de nos populations dans la coopération internationale.
Nous sommes conscients que certains de nos gouvernements devront faire plus d’efforts pour résoudre leurs problèmes d’endettement. A ce sujet, nous saluons l’initiative du nouveau cadre commun du G20 sur la restructuration de la dette. Nous appelons tous les créanciers publics et privés à adhérer aux principes fondamentaux de ce cadre.
Par ailleurs, les banques multilatérales de développement devraient avoir une approche plus proactive en utilisant les marges de manœuvre dont elles disposent pour accroître les ressources nécessaires pour nos économies. Il en est de même du Fonds Monétaire International dont la capacité des facilités d’urgence devrait être élargie. L’atteinte des Objectifs de Développement Durable est à ce prix.
Nous sommes conscients que nos gouvernements doivent faire leur part en accélérant les réformes nécessaires au développement de nos économies respectives. A ce sujet, nous en appelons à des actions concrètes harmonisées sur la base desquelles des programmes d’assistance technique seront élaborés.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les chefs d’Etat et de gouvernement, Chers collègues,
Les moments de crise sont par essence des moments où se créent des opportunités nouvelles. Les leaders africains présents à ce sommet sont prêts à saisir ces nouvelles opportunités. En leur nom, je vous remercie pour l’occasion nous offerte pour concevoir un nouveau cadre de financement des économies africaines.
Je vous remercie.
JNK