ECONOMIE
Spoliation, fraude et sécurité à la SCTP : Joseph PANDI s’explique et accuse …
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4 ans agoon
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La RedactionAssurer la protection des personnes et des biens de l’entreprise et de sa clientèle, telle est la mission de la Police de garde de la Société Commerciale des Transports et Ports (SCTP), l’ex ONATRA. Avec un effectif estimé à 35O policiers à Kinshasa dont des paramilitaires et OPJ bien formés dans les meilleures écoles du pays, cette brigade a de la peine à juguler la fraude, les magouilles et la délinquance dans les ports de la SCPT ou encore la spoliation du patrimoine immobilier et foncier de l’entreprise. Le Mandat est allé à la rencontre de Joseph PANDI, Inspecteur général de la police/SCTP, qui explique le rôle de son département et évoque ses difficultés à remplir ses tâches liées à la prévention, la répression et les renseignements. A une question sur la spoliation de l’immense patrimoine de l’ex ONATRA, le patron de la police SCTP pointe du doigt les responsables politiques et administratifs qui facilitent les opérations. Interview.
Le Mandat : Voudriez-vous retracer votre itinéraire professionnel à la SCTP pour nos lecteurs ?
Joseph PANDI : Je suis entré à l’ex-Onatra comme policier. J’ai suivi une formation de trois mois comme agent de police de garde. Trois ans après, j’ai été admis au Centre pour une formation de police judiciaire avant d’être muté au Kongo-Central, puis à l’Equateur. Rentré à Kinshasa en 1992, j’avais été affecté comme chargé d’études à la sous-direction de police voie fluviale puis à Brazzaville comme chef d’antenne police Onatra. J’avais été affecté comme officier de police judiciaire OPJ à la Brigade centrale des investigations (BCBC) ; de là, j’avais quitté la police pour travailler à l’Audit interne comme Chargé d’études. Puis, j’ai été affecté à la Direction Générale comme Assistant du Directeur Général Adjoint de 2000 à 2007 avant de revenir à la Police en 2007. J’ai travaillé comme Commandant au Chemin de fer et Chantier naval, puis comme Chargé des missions à la direction Police et Pompiers. J’ai assumé l’intérim du Directeur de la police en 2010 pour être mis de côté en 2013 par le Conseil d’administration.
En 2016, je reviens comme Assistant du DGA. Vers fin 2016, le DGA devient titulaire c’est-à-dire DG full et je suis devenu automatiquement Assistant du DG de fin 2016 à fin 2017. En Août 2018, j’ai été nommé Inspecteur Général de la police SCTP.
Le Mandat : Combien des départements compte la SCTP à Kinshasa, pour quels effectifs du personnel actif et inactif et à quel département est rattaché la Police ?
Joseph PANDI : La SCTP compte actuellement dix départements scindés en deux catégories, nous avons d’une part les départements dits opérationnels qui comprennent les ports maritimes, chemins de fer, ports et transports fluviaux, chantier naval, services généraux, ports de Kinshasa, et d’autre part les départements dits fonctionnels qui comprennent le département financier, les ressources humaines, organisation et études générales, audit interne.
La Police SCTP ne dépend d’aucun département. C’est une direction rattachée à la Direction Générale de l’entreprise au même titre que la Direction juridique, la Direction commerciale et la sous-direction des Relations publiques.
Le Mandat : quelles sont les attributions de la Police SCTP ?
Joseph PANDI : La police SCTP a pour mission principale d’assurer la protection des personnes et des biens de l’entreprise et de sa clientèle. Avec un effectif estimé à 35O policiers à Kinshasa, elle fait de la prévention, la répression et les renseignements. La direction recrute les diplômés d’Etat pour la garde. Ces derniers suivent une formation appropriée soit à l’école de navigation située à Kawuka dans la commune de Kalamu, soit encore au Chemin de fer dans les installations de l’ex-Onatra à Limete, pour une période qui ne dépasse pas trois mois. Les diplômés d’Etat peuvent être coptés pour suivre une formation des inspecteurs judiciaires. Les universitaires recrutés suivent une formation des inspecteurs judiciaires pour une période d’une année. Les officiers de renseignements suivent une formation de six mois.
Les inspecteurs judiciaires ont pour mission de rechercher les infractions, établir des procès-verbaux qu’ils transmettent aux parquets. La police est également dotée d’un service anti-incendie qui lutte contre les feux. Elle constitue un corps de surveillance. A l’époque, les surveillants portaient des culottes. C’était une réserve stratégique de l’armée nationale congolaise. Les choses s’étaient améliorées lorsqu’on avait créé une école de formation à Kawuka laquelle était dirigée par Monsieur Marc, un commandant israélien. Certaines promotions étaient passées par le champ des tirs, connaissaient le maniement des armes et possédaient des lance-fusées à un coup avec une cartouche ayant pour fonction le signalement. A courte distance, l’engin pouvait faire très mal. Certaines équipes ont été entrainées entre 1981-1985 à Kibomango, à la 8ème région militaire. Ce sont des paramilitaires pour la République.
Les lance-fusées ont été arrachés à l’arrivée de l’AFDL en 1997. La police SCTP est gérée par une direction qui dépend directement de la Direction Générale. Elle a pour mission principale la protection des personnes et des biens de l’entreprise et de sa clientèle.
Le Mandat : Y a-t-il des formations ou stages professionnels organisés annuellement pour le renforcement des capacités de la police SCTP ici ou à l’étranger ?
Joseph PANDI : Actuellement, la société n’a pas assez de moyens pour envoyer les agents en formation à l’extérieur du pays, toutefois, beaucoup de nos agents ont déjà participé à certaines formations à l’extérieur. Avant 2010, le directeur de la police SCPT avait participé à une formation en Russie soviétique quand la société avait assez de moyens.
En 2012 j’ai été une fois au Cameroun suivre une formation sur la sécurité côtière des eaux de l’Afrique Centrale et de l’Ouest.
Le Mandat : Quels sont d’après vous les grands défis à relever pour que la police SCTP fasse correctement son travail?
Joseph PANDI : Il y a beaucoup de choses qui manquent encore dans la logistique, la communication, il y a aussi les uniformes qui sont le symbole même de l’autorité. Les équipements de protection individuelle et d’intervention comme les casques, les menottes, les boucliers. Nous avons des caméras de surveillance au port de Kinshasa et au port de Matadi mais il en faut d’avantage.
Le Mandat : Existe-t-il un mécanisme de collaboration entre la Police nationale et celle de la SCTP ? Partagez-vous les expériences avec la police Interpole en matière de contrôle et surveillance dans les ports?
Joseph PANDI : Oui. La police OCTP recourt de temps en temps à la police nationale en cas de besoins. Elle collabore également avec l’Interpole par rapport aux crimes liés aux trafics des animaux convoités en l’occurrence le pangolin qui est utilisé comme animal mystique et le léopard et d’autres infractions sur la fraude, le blanchement d’argent…et tout autre trafic illicite.
Le Mandat : Est-ce que vos effectifs suffisent pour les tâches policières au regard de l’étendue de la SCTP dans ses installations à travers le pays ?
Joseph PANDI : Nos effectifs sont insuffisants, il y a baisse des effectifs avec la mise à la retraite des agents. Les démarches sont en cours pour rajeunir et réajuster les effectifs de la police SCTP. Néanmoins, nous avons une structure mobile que nous appelons PI (police d’intervention) à Kinshasa et au Kongo-central.
Le Mandat : La police de la SCTP, a-t-elle une compétence générale ou restreinte pour auditionner les agents et les suspects sur des procès-verbaux ?
Joseph PANDI : Les OPJ de la SCTP ont compétence matérielle générale, toutefois, leur compétence territoriale est restreinte et n’opèrent que dans les installations de l’entreprise. Ils sont des auxiliaires de la justice, ils ont prêté serment devant l’OMP officier du ministère public à qui ils transmettent les procès-verbaux d’auditions. Les OPJ de la police SCTP sont reconnus par les parquets.
Le Mandat : Quelle est la nuance qui existerait entre les attributions de l’inspecteur général de la SCTP et celles de la direction juridique ?
Joseph PANDI : Les compétences sont différentes. Le Directeur juridique est le Conseiller juridique de l’entreprise tandis que l’Inspecteur général de la police dirige le personnel qui assure la protection des personnes et des biens de la société et de sa clientèle.
Le Mandat : Avez-vous le sentiment d’avoir jugulé la fraude et les magouilles au sein de la SCTP ?
Joseph PANDI : On ne peut pas dire qu’on a jugulé la fraude, les délinquants ne désarment pas, ils changent de méthode pour opérer autrement. Nous sommes dans l’obligation de lutter continuellement contre la délinquance sous toutes ses formes. Il y a des agents ou des personnes extérieures qui établissent des faux documents ou des faux reçus pour faire sortir la marchandise dans les ports. Nous continuons de les traquer pour permettre à l’entreprise de maximiser tant soit peu ses recettes.
Le Mandat : Selon certaines sources, la SCTP a un important patrimoine immobilier à travers le pays, mais certaines de ses maisons et concessions sont spoliées par les tiers. Des conflits fonciers opposent la SCTP aux tiers ? Que faites-vous ?
Joseph PANDI : La SCTP a certes un important patrimoine immobilier souvent spolié par les tiers. Pour la plupart de cas, ce sont des responsables politiques et administratifs qui facilitent cette spoliation, sous prétexte que le patrimoine immobilier de la SCTP n’a pas de certificat d’enregistrement. On n’a jamais vu un simple citoyen dans ces genres de conflits. C’est toute la difficulté !
Propos recueillis par Alex Tutukala/Journaliste Economique.